L’affaire criminelle : Les étapes
La présente page décrit les diverses étapes d’une affaire criminelle au Canada. Elle explique le processus clairement et simplement pour vous aider à comprendre, de façon générale, le déroulement d’une poursuite criminelle au Canada.
Enquête
L’enquête criminelle est menée par la police ou un autre organisme d’enquête. Elle commence lorsque la police est témoin d’un comportement ou reçoit une plainte relative à un comportement pouvant constituer un crime. Certaines enquêtes criminelles se terminent rapidement. D’autres durent des semaines, des mois ou, dans les affaires complexes, des années. Tous les comportements criminels ne font pas l’objet d’une enquête – la police choisit en fonction de plusieurs facteurs, y compris les ressources disponibles.
Dépôt d’une accusation
La décision de porter une accusation relève de la police ou des procureurs de la Couronne. Ils tiennent compte du droit applicable et de toutes les preuves disponibles.
Lorsqu’une accusation est portée, on prépare une trousse d’information décrivant toutes les preuves et on la remet à la personne accusée ou, plus souvent, à son avocat ou avocate (c’est la « communication de la preuve »). Le tribunal reçoit de la police la liste des accusations visant la personne accusée.
Remarque : il faut distinguer l’arrestation du dépôt de l’accusation. On peut arrêter une personne sans l’accuser. Inversement, on peut accuser quelqu’un sans l’arrêter.
Décision de poursuivre ou non
Le procureur ou la procureure de la Couronne a la responsabilité de décider de porter ou non une accusation et, le cas échéant, doit mener la poursuite en faisant preuve d’objectivité et traiter toutes les parties à l’affaire avec équité, y compris les victimes, les témoins et la personne accusée. Bien qu’on consulte souvent la victime ou sa famille, la décision revient en bout de ligne au procureur ou à la procureure de la Couronne.
Le procureur ou la procureure de la Couronne qui doit décider de lancer ou de maintenir ou non une poursuite doit répondre à deux questions d’importance égale :
- La probabilité d’une déclaration de culpabilité est-elle raisonnable? Cette question se rapporte à la capacité de la Couronne de prouver tous les éléments essentiels de l’infraction au moyen de preuves admissibles en droit. Des questions comme la crédibilité et la fiabilité de la preuve sont traitées. Par exemple, une victime très honnête et crédible peut identifier le perpétrateur d’un crime dans une série de photos, mais cette identification peut être non fiable parce que la victime a seulement aperçu brièvement le perpétrateur lors de la commission du crime.
- Est-il dans l’intérêt public de poursuivre? Cette question mène au traitement d’un éventail de facteurs, notamment la nature de l’infraction et son incidence sur la sécurité publique, la fréquence de la commission d’infractions du même type dans la collectivité, la situation de la personne accusée et la question de savoir si l’affaire serait mieux traitée dans un contexte de justice réparatrice que dans un tribunal criminel.
La réponse aux deux questions doit être oui pour que le procureur ou la procureure de la Couronne porte l’accusation. Il ou elle exerce ainsi son pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites. Autre élément de ce pouvoir discrétionnaire : le procureur ou la procureure applique le critère à deux volets à chaque accusation. Il ou elle peut donc décider de retirer une accusation et d’en maintenir une autre.
La personne accusée a le droit de se faire représenter par un avocat ou une avocate, mais elle peut aussi ne pas être représentée.
Mise en liberté sous caution
Dans la plupart des cas, la personne accusée d’un crime reçoit de la police un document qui l’informe de la date et de la salle d’audience où elle doit comparaitre pour répondre à l’accusation. Parfois, le crime est très grave, la personne accusée a un casier judiciaire ou on craint qu’elle ne se présente pas au tribunal. Dans ces cas, la personne accusée peut être détenue en prison.
Si la personne accusée est détenue en prison, on tient une audience sur le cautionnement pour déterminer s’il faut ou non la remettre en liberté jusqu’au procès. Pour déterminer s’il ou elle s’opposera à la mise en liberté sous caution de la personne accusée, le procureur ou la procureure de la Couronne doit tenir compte de l’intérêt public. Avant de prendre cette décision, il ou elle tient compte de tous les renseignements et principes juridiques pertinents. Le principe juridique le plus fondamental est que la personne accusée d’une infraction a le droit de ne pas se voir refuser la mise en liberté sous caution sans juste cause et le droit à un cautionnement raisonnable. Dans la plupart des cas, le procureur ou la procureure de la Couronne doit établir la raison pour laquelle le maintien de la détention de la personne accusée est justifié.
Si la Couronne s’oppose à la mise en liberté de la personne accusée, la décision relève en bout de ligne du ou de la juge. S’il ou elle décide de mettre la personne accusée en liberté, il ou elle peut lui ordonner de respecter certaines conditions. Par exemple, la personne accusée peut devoir observer un couvre-feu ou éviter de communiquer avec la victime ou un témoin. On peut l’accuser d’une autre infraction si elle omet de respecter ces conditions.
Inscription du plaidoyer
Selon le Code criminel, le tribunal peut accepter un plaidoyer de culpabilité uniquement s’il est convaincu de ce qui suit :
- la personne accusée inscrit le plaidoyer volontairement;
- la personne accusée comprend :
- que le plaidoyer est une admission des éléments essentiels de l’infraction,
- la nature et les conséquences du plaidoyer,
- qu’aucune entente conclue par elle et le poursuivant ne lie le tribunal;
- les faits justifient l’accusation.
Types d’infractions
Les infractions, énoncées dans le Code criminel, se divisent en trois types : l’infraction punissable par procédure sommaire, l’infraction punissable par mise en accusation et l’infraction mixte (c’est-à-dire que la Couronne peut choisir la procédure sommaire ou la mise en accusation). La procédure sommaire est généralement réservée aux infractions moins graves et la mise en accusation, aux crimes plus graves.
Choix du tribunal par la personne accusée
Le procès de la personne accusée d’une infraction punissable par procédure sommaire se tient devant un ou une juge de la Cour provinciale. Il n’y a pas de jury à la Cour provinciale.
La personne accusée d’une infraction punissable par mise en accusation qui ne relève pas exclusivement de la Cour du Banc du Roi ou de la compétence absolue de la Cour provinciale peut choisir le tribunal qui entendra l’affaire. La personne accusée peut choisir de se faire juger par un ou une juge de la Cour provinciale ou par un ou une juge de paix de la Cour du Banc du Roi sans ou avec jury.
Enquête préliminaire
L’enquête préliminaire vise à éviter à la personne accusée de subir un procès inutile. Cette audience tenue à la Cour provinciale sert à déterminer si la preuve admissible contre la personne accusée suffit à justifier un procès. L’enquête préliminaire n’est autorisée que dans les poursuites relatives aux infractions punissables par mise en accusation qui peuvent entrainer au moins 14 ans d’emprisonnement.
Pendant l’enquête préliminaire, le procureur ou la procureure de la Couronne et la personne accusée peuvent appeler et contre-interroger des témoins. Si le tribunal est convaincu que la preuve suffit, la date du procès est fixée. Sinon, la personne accusée est libérée et, sauf rares exceptions, l’affaire est close.
Négociation de plaidoyer
L’issue d’un procès n’est jamais certaine. Chaque cause a des forces et des faiblesses. Il peut être avantageux pour toutes les parties de régler l’affaire sans recourir au procès, y compris la victime qui n’a pas à témoigner.
Pour régler une affaire sans procès, la Couronne et la personne accusée peuvent convenir que cette dernière plaidera coupable relativement à certaines accusations en échange du retrait des autres. Elles peuvent aussi s’entendre sur la peine à recommander au ou à la juge.
On appelle ce processus négociation de plaidoyer. La Cour suprême du Canada a statué que ces négociations « sont essentielles au bon fonctionnement de notre système de justice pénale » et que « sans elles, notre système de justice serait mis à genoux, et s’effondrerait finalement sous son propre poids ». La négociation peut survenir n’importe quand avant ou pendant le procès.
Procès
Le procès donne à la Couronne et à la personne accusée des possibilités égales de présenter leurs preuves. La personne accusée n’a pas à prouver son innocence : selon un principe de base du système de justice canadien, elle est innocente jusqu’à ce que la Couronne prouve sa culpabilité.
Au début du procès, la Couronne présente la preuve contre la personne accusée. Elle le fait en appelant des témoins et en présentant des documents appuyant les accusations. Parfois, le juge doit déterminer s’il faut admettre certaines preuves. Le procureur ou la procureure de la Couronne pose des questions à chaque témoin appelé par la Couronne (« interrogatoire principal »). On donne ensuite à la personne accusée l’occasion d’interroger le témoin de la Couronne (« contre-interrogatoire »).
Après le contre-interrogatoire, la Couronne peut interroger de nouveau le témoin s’il faut préciser son témoignage ou s’il a soulevé une nouvelle question dont elle n’aurait pas pu avoir connaissance avant le procès. C’est le « réinterrogatoire ».
Lorsque la Couronne a présenté tous ses témoignages et déclaré sa preuve close, on demande à la personne accusée de décider si elle s’appuiera sur des témoignages. Dans l’affirmative, on appelle des témoins, y compris la personne accusée elle-même le cas échéant. La Couronne peut contre-interroger les témoins de la personne accusée, après quoi celle-ci peut les réinterroger.
Lorsque tous les témoins des deux parties ont témoigné, la Couronne et la personne accusée peuvent résumer leur position (présenter leurs conclusions finales). Chaque partie expose les raisons pour lesquelles il faut ou non déclarer la personne accusée coupable. Le ou la juge décide si la Couronne a prouvé chaque accusation hors de tout doute raisonnable. Elle doit l’avoir fait pour qu’il y ait déclaration de culpabilité. À défaut, la personne accusée a droit à l’acquittement.
Dans un procès devant jury, le ou la juge détermine les éléments de preuve qui seront présentés au jury et l’informe du droit qui s’applique à l’affaire.
Verdict
Lorsque le ou la juge ou le jury a examiné toutes les preuves et le droit applicable, trois résultats sont possibles : coupable, non coupable ou, si le procès se tient devant un jury, l’impasse. Dans ce dernier cas, le jury n’a pas été en mesure de rendre une décision unanime et ses membres ne croient pas pouvoir y arriver. En droit canadien, il n’y a pas de « verdict d’innocence ».
Si le ou la juge ou le jury déclare la personne accusée non coupable et qu’elle n’est visée par aucune autre accusation, elle est libre. On ne peut pas la poursuivre de nouveau relativement aux mêmes accusations, sauf si le procureur ou la procureure de la Couronne interjette appel et que le tribunal d’appel ordonne la tenue d’un nouveau procès. Si la personne accusée est déclarée coupable de certaines ou de l’ensemble des accusations, le ou la juge peut lui imposer immédiatement une peine ou fixer une date ultérieure pour la détermination de la peine.
Détermination de la peine
La Couronne et la personne accusée présentent au tribunal des observations sur la peine à imposer, mais la décision définitive à cet égard revient au ou à la juge. La peine dépend des infractions dont la personne accusée est déclarée coupable, mais également des renseignements sur elle et ses antécédents, qui sont parfois fournis dans un document appelé rapport présentenciel. Il importe particulièrement de tenir compte de la situation des Autochtones : ce sont les facteurs Gladue (désignés ainsi après une affaire tranchée par la Cour suprême du Canada).
La victime, qui joue un rôle particulier dans le processus de détermination de la peine, peut informer le ou la juge des répercussions du crime sur elle. La « déclaration de la victime » peut être orale ou écrite. Elle est facultative et peut être remise au ou à la juge par le procureur ou la procureure de la Couronne si la victime décide de ne pas se présenter au tribunal. Parfois, on présente une déclaration des répercussions sur la collectivité pour décrire les effets d’un crime sur la communauté.
La personne accusée a aussi le droit de s’exprimer si elle le souhaite.
Après avoir examiné tous les principes et renseignements pertinents présentés au tribunal relativement à la détermination de la peine, le ou la juge fixe la peine. Il ou elle peut le faire immédiatement ou à une date ultérieure (la décision est alors « différée » ou « remise »). Le Code criminel indique aux juges qu’ils doivent envisager pour chaque délinquant toute sanction prévue, à part l’emprisonnement, qui est raisonnable dans la situation et qui correspond au préjudice causé à la victime ou à la collectivité.
Appel du verdict ou de la peine
L’appel est la demande qu’on présente à un tribunal supérieur pour modifier le verdict, la peine ou une autre décision rendue par un tribunal inférieur. Pour en savoir plus sur le site de les tribunaux du Manitoba.
La Couronne peut interjeter appel d’un acquittement et la personne accusée, d’un verdict de culpabilité. Toutefois, le droit d’appel de la Couronne est plus limité. La personne accusée peut porter en appel un verdict de culpabilité déraisonnable, mais il est interdit à la Couronne d’interjeter appel d’un acquittement déraisonnable.
Les deux parties peuvent contester la peine, quoique l’appel relatif à la peine interjeté devant la Cour d’appel du Manitoba nécessite sa permission (appelée « autorisation d’appel »).
Une partie ne peut pas interjeter appel seulement parce qu’elle n’aime pas la décision. Dans bien des cas, le tribunal d’appel n’aurait pas rendu la décision du tribunal inférieur, mais cela ne l’autorise pas automatiquement à la remplacer par sa propre décision.
Remarque importante : Ni le ou la ministre de la Justice ni le procureur général ou la procureure générale du Manitoba ne peuvent modifier ou contrecarrer la décision d’un tribunal judiciaire. Pour faire modifier la décision, il faut la porter en appel devant un tribunal supérieur.